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Introduction

Des millions de personnes souffrent à travers le monde de déficiences de type physique ou psychologique qui limitent leurs capacités à gérer leurs activités quotidiennes. Mais aujourd'hui les réponses qu'apportent les nouvelles technologies constituent une aide précieuse à un nombre significatif de ces personnes.

Jusqu'à l'apparition de la micro-informatique, la production et la diffusion d'information destinée aux personnes malvoyantes présentaient un certain nombre d'inconvénients majeurs (stockage volumineux, transmission fastidieuse et diffusion limitée à un nombre restreint de personnes due à des difficultés de reproduction).

Les bibliothèques brailles (sonores ou à caractères agrandis) possédaient en général un catalogue étendu. Elles ne pouvaient toutefois faire face à la variété de la production littéraire et ne parvenaient en outre à proposer qu'un nombre restreint d'exemplaires pour chaque titre.

L'apparition des technologies de l'information a bouleversé en grande partie cet état de chose, notamment en éliminant le problème du stockage et de la transmission des données. Toutefois, il restait encore à résoudre la difficile question de leur restitution.

Heureusement, de nos jours, la mise en œuvre de l'intégration qui relevait il y a encore quelques années du véritable exploit technologique, s'en trouve grandement facilitée. En effet, il est à présent possible de piloter un environnement graphique à l'aide d'une barrette braille et d'une synthèse vocale. Ainsi, les personnes malvoyantes sont désormais en mesure d'utiliser un traitement de texte et de produire, tant en écriture braille qu'"en noir", des documents de qualité professionnelle.

Grâce à l'adoption de ces nouvelles technologies, les déficiences physiques ne constituent plus un problème insurmontable. Les personnes handicapées sont désormais capables d'accomplir des tâches au même titre que les personnes valides (et parfois même mieux que ces dernières), chose qui leur était quasi impossible par le passé.

Le passé

Historiquement, les sociétés ont souvent mal compris ou tout simplement rejeté les individus présentant des différences physiques ou mentales. Les exemples de torture, d'emprisonnement, de bannissement et même de mise à mort sont légions et, du reste, la peur ou la honte amenaient souvent les familles elles-mêmes à cacher ou à désavouer leurs membres qui n'étaient pas " conformes ".

Dans le monde antique, par exemple, un individu qui montrait une déficience corporelle était la plupart du temps condamné à mourir. C'était notamment le cas des nouveau-nés qui, s'ils présentaient une infirmité quelconque, étaient purement et simplement abandonnés en dehors de la cité pour y être exposés à la " justice divine ".

Heureusement, les choses évolueront au fil du temps. Ainsi, dès le IVème siècle, les premiers établissements charitables pour aveugles seront créés à Césarée, en Orient. D'autres apparaîtront en Syrie dès le Vème siècle. En Occident il faudra toutefois attendre le VIIème siècle pour que s'établisse à Pontlieu , en France, un hospice destiné à recevoir des personnes aveugles ou infirmes. Ce n'est que bien plus tard encore que la plus célèbre de ces institutions charitables, l'Hospice National des Quatre-Vingts, sera créée à Paris . Fondée vers 1260 par Louis IX, cet hospice accueillera 300 aveugles indigents de la ville. Notons au passage que ces anciens hôpitaux avaient pour fonction essentielle de fournir une aide spirituelle à ceux qu'ils hébergeaient : les soins médicaux n'avaient qu'une importance secondaire.

Cependant, il faudra attendre le XVIIIème siècle pour que le lourd verdict assorti du pronostic d'incurabilité qui pesait depuis la nuit des temps sur l'enfance réputée anormale soit enfin remis en question. C'est à cette époque en effet qu'apparaissent les premières tentatives intéressantes en faveur de l'éducation des infirmes sensoriels. Elles révolutionneront les mentalités en attribuant à l'aveugle une place dans la société.

Valentin Haüy, grand pédagogue français, fait figure de pionnier en la matière. Pour apprendre à lire à ses élèves aveugles, il eut l'idée géniale d'inventer un alphabet en relief qui pouvait être lu non seulement avec les yeux mais aussi (et surtout !) avec les doigts, par le simple toucher. Devant les progrès spectaculaires des ouailles d'Haüy, la Société Philanthropique lui confiera l'instruction des enfants qu'elle protégeait. C'est ainsi que l'Institut national des jeunes aveugles de France verra le jour en 1875. Il accueillera d'ailleurs quelques 44 années plus tard un jeune aveugle qui deviendra un grand nom dans le monde des malvoyants, j'ai nommé : Louis Braille.

En 1819, une exposition est organisée au Musée des Produits et de l'Industrie. Un jeune capitaine d'artillerie, Charles Barbier de la Serre, qui avait imaginé divers procédés rapides d'écriture secrète à l'intention de l'armée, y expose une machine "qui grave sans qu'on y voie les planches de l'écriture secrète ". Son système est relativement simple : il utilise deux colonnes de 6 points chacunes qui selon les combinaisons représentent différents sons de la langue française. Le grand intérêt de ce langage est qu'il peut être employé dans l'obscurité la plus complète. Les élèves de l'Institut national des jeunes aveugles sont également présents à cette exposition. Ils y présentent leur méthode de lecture et d'écriture. Malheureusement, celle-ci comporte un défaut majeur : elle est extrêmement lente. Charles Barbier, qui ne manque pas de s'en apercevoir, imagine alors d'y appliquer son procédé d'écriture nocturne qu'il soumettra à l'Institut des jeunes aveugles en 1821.

Quoique déjà plus pratique que l'alphabet d'Haüy, cette méthode n'est pas totalement satisfaisante. Il s'agit en effet non pas d'un alphabet mais bien d'une " sonographie " : elle ne comprend donc aucun signe de ponctuation, ne permet pas de respecter l'orthographe, ni de représenter les chiffres ou les signes musicaux. Enfin, elle est basée sur une combinaison de 12 points, trop complexe pour une lecture tactile.

Ayant pris connaissance de la machine de Barbier de la Serre et de ses faiblesses, le jeune Louis Braille s'attache d'abord à l'améliorer. Il y renoncera ensuite pour créer son propre alphabet. Constitué de deux rangées verticales de trois points, cette méthode offre 63 combinaisons différentes et donc, autant de caractères. Il est dès lors possible de représenter non seulement les lettres de l'alphabet et les signes de ponctuation, mais aussi les symboles mathématiques et musicaux. Depuis lors et malgré diverses tentatives pour en réduire surtout le volume (micropoints, Braille américain), l'alphabet Braille n'a jamais été surclassé. D'ailleurs, aujourd'hui encore, des millions de personnes malvoyantes y ont recours quotidiennement à travers le monde.

Les instituts

Les premières institutions scolaires pour déficients sensoriels ont ouvert leurs portes en Belgique peu de temps après la révolution. Elles étaient généralement destinées aux sourds-muets et aux aveugles. Citons pour exemple les instituts de Berckem Sainte Agathe, Woluwé Saint Lambert et Bruges qui furent des précurseurs mondialement reconnus.

La première guerre mondiale marqua une étape importante dans bien des domaines et la cécité n'y fait pas exception. Un mouvement de sympathie envers les soldats ayant perdu l'usage de la vue à l'issue du conflit se manifesta. Plusieurs associations visant leur rééducation virent ainsi le jour. Parmi celle ci, on peut citer l'Institut des aveugles de guerre de Boitsfort.

Ce mouvement s'étendit rapidement à tous les aveugles et diverses associations furent fondées. Fréquemment dirigées par des déficients visuels, elles ouvrirent des ateliers pour préparer les non-voyants à l'exercice d'une profession et leur permettre ainsi de devenir indépendants. Actuellement, un handicapé visuel a la possibilité de suivre un enseignement normal et ce, jusqu'au niveau universitaire et d'exercer un métier en rapport avec ses études.

Différentes façons de mal voir

Il existe de nombreux troubles de la vue. En Belgique, environ 10% de la population connaissent des difficultés dans ce domaine. Il s'agit la plupart du temps d'anomalies bénignes qui, après correction, n'ont pas de conséquences dommageables. Mais il existe également des déficiences visuelles graves entraînant des handicaps fonctionnels sérieux.

De l'amblyopie à la cécité, la déficience visuelle recouvre des déficits très divers : perte d'acuité visuelle, difficulté à percevoir les couleurs, photophobie, vision tubulaire, dégénérescence de la macula chez les personnes âgées…

Définition

L'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) a établi une distinction nette entre les personnes aveugles et les malvoyants. Selon elle, les personnes aveugles sont celles dont l'acuité visuelle est inférieure à un vingtième ou dont le champ de vision est limité à dix degrés ou moins. Les malvoyants, quant à eux, sont des personnes dont l'acuité visuelle du meilleur œil ou des deux yeux est égale ou inférieure à trois dixièmes ou dont le champ de vision est limité à moins de 20 degrés.

Il nous semble qu'une distinction aussi tranchée entre malvoyants et aveugles ne rend pas vraiment compte de la réalité. En effet, cette définition ne prend pas en considération l'ensemble des facteurs à observer et conduirait, par conséquent, à considérer comme aveugles ou malvoyants des gens qui sont loin de l'être. Plutôt que de s'en tenir uniquement à l'acuité visuelle et au champ de vision pour juger de la vue, mieux vaut dès lors adopter la notion plus large d'" efficacité visuelle " qui a le mérite d'ajouter à ces critères objectifs d'autres paramètres tout aussi déterminants, comme la capacité cognitive, la mémoire visuelle et la motivation. Ce qui permet , par la combinaison de ces différents critères, une approche et une connaissance plus juste, plus précise et plus nuancée de la notion de vue.

Cette combinaison de paramètres diffère d'un individu à l'autre, ce qui explique pourquoi, malgré la mesure de facteurs objectifs, les capacités visuelles des individus sont si diverses. La majeure partie des êtres humains est capable de distinguer de petits objets s'ils réduisent ou agrandissent la distance qui les sépare d'eux. Cela signifie qu'un grand nombre de personnes malvoyantes peuvent lire le journal de prés ou en s'aidant d'une loupe grossissante. Nous ne les considérerons dès lors pas comme des aveugles.

Population

D'après l'O.M.S., en Belgique, le taux moyen de cécité est de 1,2 pour mille personnes. La répartition s'effectue comme suit :

Taux de cécité par tranche de population

10 % des personnes aveugles ont de 0 à 18 ans, 25 % des personnes aveugles ont de 18 à 60 ans et 65 % des personnes aveugles ont plus de 60 ans

Le pourcentage des enfants atteints d'une déficience visuelle est donc inférieur à celui des adultes. Et ce, malgré qu'à peu près un quart des déficiences visuelles soient présentes à la naissance. Ce qui est paradoxal.

Par ailleurs, la conclusion la plus impressionnante de ces statistiques établies par l'O.M.S. consiste en l'inflation quasi exponentielle de la cécité après 65 ans.

Redisons-le, ces chiffres ne prennent en compte que les personnes aveugles. Ce qui est d'autant plus fâcheux qu'il n'existe pas de données fiables sur le nombre de personnes malvoyantes. Par ailleurs, une étude de la Commission Européenne estime que 11,5 millions de personnes souffrent d'une déficience visuelle en Europe mais sans en préciser le degré.

Un moyen de combattre les exclusions

Dans notre société, nous avons tous besoin d'accéder à un large panel de données si nous désirons être pleinement informés. Les personnes ayant une déficience visuelle rencontrent davantage de problèmes que les autres pour combler ce besoin. Elles ont non seulement des besoins d'information propres à leur incapacité visuelle, mais elles sont également gênées par la diversité des formats et moyens de distribution qui donnent accès aux informations dont elles ont besoin comme citoyen et/ou comme consommateur.

La déficience visuelle peut être dans certains moments de la vie une cause de souffrance et de désemparement. La personne handicapée ressent dès lors un besoin de parler de ce qui lui arrive et de confronter sa situation à celles rencontrées par d'autres personnes souffrant des mêmes problèmes visuels.

Internet permet d'effectuer ce premier pas en demandant de l'aide plus vite et plus facilement. Il est effectivement très simple d'envoyer un message ou de poser une question dans un univers virtuel. L'anonymat y est plus grand et les implications d'une discussion ne sont jamais prédéfinis ou restreints. Le demandeur garde le contrôle de l'échange.

Toutefois, le monde virtuel ne remplace pas une relation et n'offre pas de solutions magiques pour minimiser la souffrance. Il permet cependant d'accélérer la création de contacts, d'accéder plus rapidement à l'information et rend donc les solutions plus accessibles.

Une déficience visuelle peut conduire à une perte d'autonomie, de déplacement ou d'utilisation de moyens de communication dans la vie de tous les jours. La personne malvoyant ou aveugle se sent donc très souvent mise de côté, abandonnée, suite à cette exclusion, même si celle-ci ne se limite qu'à certaines activités sociales.

Le réseau remplit alors un rôle essentiel à deux niveaux. Il facilite tout d'abord l'accès à un certain nombre de services tels que les commerces, les administrations. Ensuite, et dans une plus large mesure, il permet à la personne malvoyant de s'insérer dans un tissu social en collaborant ou en participant, selon ses goûts et compétences, à des jeux et/ou des activités sociales ou politiques au départ de sites présents sur le réseau , qu'ils émanent d'associations ou de particuliers.

Les aveugles ou les personnes malvoyantes peuvent se sentir exclues d'un groupe social ou professionnel non pas en raison de leur incapacité ou de leur manque d'autonomie, mais bien à cause de l'inconfort que leurs déficiences génèrent chez autrui. Ce n'est pas la personne malvoyante qui est incapable de s'adapter à son environnement à cause de son handicap mais bien l'environnement qui exclut la personne malvoyante à cause de son handicap. Les différences font peur et peuvent plonger certaines personnes dans une situation difficile à gérer. Ne sachant pas comment réagir face à la différence, ces personnes sont incapable d'aider ou de prendre contact avec la personne handicapée.

Qu'il s'effectue sur base de centres d'intérêts ou de besoins communs, Internet constitue donc de loin le meilleur espace de rassemblement. Il s'agit d'un merveilleux outil capable de former de petites communautés de personne malvoyantes dispersées à travers le monde qui communiquent entre elles et, ainsi, s'inscrivent au sein d'un espace virtuel difficilement transposable dans la réalité. Les listes de discussion en sont un très bon exemple : des groupes d'une dizaine de personnes se rassemblent autour d'un sujet précis et échangent des informations dans un langage défini à son propos.

Internet apparaît ainsi comme un fantastique instrument qui, en offrant aux personnes malvoyantes des solutions alternatives à l'information imprimée, permet de combattre activement les exclusions. L'utilisation d'interfaces adaptées et le développement d'un réseau mondial ouvrent ainsi aux personnes malvoyantes les portes d'un monde qui ne leur était auparavant que difficilement accessible.


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